Histoire
Historique du bâtiment
À la fin du XVIIe siècle, la Bourgeoisie d’Aigle envisage d’acheter un nouveau bâtiment pour y installer la maison de ville. En 1698, elle décide d’acquérir la demeure de Chevron, propriété de la famille de Graffenried depuis le milieu du XVIe siècle environ. Nicolas de Graffenried l’a acquise avant 1551 des Nobles de Chevron, vidomes de Sion, qui ont donné leur nom au lieu-dit. En 1700, elle fait donc l’acquisition du « bien de Chivron » pour 33'500 livres de Berne qu’elle mettra plus de 10 ans à payer. Toutes les vignes du domaines sont revendues par la Bourgeoisie qui ne conserve que la maison et ses dépendances.
Vers 1700, la maison de ville s’élève à l’angle nord-est d’une vaste parcelle fermée par de hauts murs au nord et à l’est, un peu moins haut au sud. Au sud-ouest, se trouvent un grand bâtiment et un pigeonnier et, plus à l’ouest donnant sur la rue publique, une petite maison et une grange. Afin de créer « une belle entrée à notre maison de ville et luy donner tant mieux la vue », il est décidé, en 1702, de démolir la petite maison. A l’intérieur, il est ordonné de faire peindre les armoiries de chaque conseiller dans la « salle de Chevron », soit vraisemblablement celle du Conseil, et de ne mettre que les armes de la Bourgeoisie à l’entrée. Vers 1704, du terrain est acheté à l’ouest de la maison de ville, afin de pouvoir y construire des latrines.
Tout au long du XVIIIe siècle, deux pièces en particulier, parce que les plus importantes, sont régulièrement citées : le « poile du Conseil » et le « grand poile », dit aussi « grande salle ». En 1775, la dernière fait l’objet d’une réfection pour accueillir la nouvelle chambre du Conseil. L’ancienne chambre du Conseil est reprise au service d’une auberge. En 1766 déjà, la nécessité de créer plus de chambres pour accueillir les voyageurs, qui ne s’arrêtaient pas à l’auberge faute d’y trouver un logement convenable, avait été constatée.
Au cours du XVIIIe siècle, différentes pièces sont dotées d’une cheminée pour pouvoir être utilisées en hiver. En 1746, une des caves de la maison de ville est rendue plus profonde et dotée de voûtes. Lors de ces travaux, on s’aperçoit que les fondations du bâtiment sont peu profondes. On les fait alors consolider pour garantir la sécurité de la maison. La porte de la cave est aussi déplacée à l’arrière, au pied de la façade nord.
En 1793, les latrines et les galeries situées contre la façade ouest sont déplacées dans la cour arrière. A cette occasion, le perron actuel de la façade occidentale est créé, avec sa balustrade et ses quatre pommeaux en laiton, pour donner accès à la porte d’entrée du XVIe siècle dont le linteau reçoit la date de 1793.
En 1830-1831, en plus du rafraichissement de plusieurs pièces au rez-de-chaussée et au premier étage, quatre ou cinq chambres sont aménagées au second étage et la charpente paraît reconstruite. Des cinq cheminées en marbre noir de Saint–Triphon fournies à cette occasion, une pourrait avoir subsisté dans l’angle nord-est du second étage. En 1834, le siège des autorités communales et judiciaires est déplacé dans « l’Hôtel de Justice », ancienne remise de la maison de ville transformée à cet usage. L’ancienne hôtel de ville ne sert donc plus que d’auberge. En 1866, la fontaine adossée à la façade nord est construite selon les plans de l’architecte François Jaquerod. En 1884, la Municipalité propose d’installer le siège des autorités communales et le tribunal et la justice de paix dans l’ancienne maison de ville et de louer le reste des locaux. L’aménagement intérieur du bâtiment prévoit notamment d’installer les salles du Tribunal et de la Justice de paix ainsi que le Greffe municipal au premier étage et la salle de la Municipalité avec un appartement au deuxième étage. Les travaux sont effectués en 1886-1887 selon les plans et sous la direction de l’architecte Jules Marius Jaquerod. C’est à cette occasion que les deux colonnes de fonte sont placées dans la salle du Tribunal au premier étage. L’annexe édifiée en 1762 à l’est de la maison de ville, est démolie en 1929 par la création de la route à l’est et remplacée par les trois arcades actuelles selon les plans de l’architecte Charles Kalbfuss d’Aigle.
Dans son état actuel, l’aspect extérieur, façades et toiture, de l’ancienne maison de ville de Chevron semble avoir été fortement marqué par les deux grands chantiers du XIXe siècle. Une grande partie des fenêtres en arc surbaissé, qui sont présentes en nombre variable sur toutes les façades, pourraient remonter aux travaux de 1829. La charpente semble être reconstruite en 1829, mais le système très particulier qui la caractérise actuellement fait pencher pour une date plus tardive, peut-être en 1886-1887.
A l’intérieur, l’édifice a conservé un élément ancien particulièrement intéressant : l’escalier à l’italienne aménagé à l’angle sud-est et signalé à l’extérieur par des baies décalées correspondant aux repos. Sa construction pourrait correspondre à la date de 1640 inscrite sur la porte d’entrée de la façade sud. Le même type de fenêtre que celles de la façade sud de la cage d’escalier se retrouve ponctuellement à l’est et au nord. Le dégagement du bâtiment du côté ouest rendu possible par l’achat de terrain et la démolition des latrines et des galeries du début du XVIIIe siècle ont permis le réaménagement de l’entrée par l’ancienne porte du XVIe siècle précédée d’un perron Louis XVI.
Les quatre façades
Les encadrements de toutes les baies sont en calcaire de St-Triphon, datables du XVIIe siècle aux années 1920-1930. De ces dernières années date également l’enduit, ainsi que la création des quatre chaines d’angle et du soubassement en faux appareil. Tous ces éléments sont en ciment.
Les contrevents des fenêtres, à jalousies dans leur partie supérieure, semblent également dater de cette période.
Bien qu’elles aient été « unifiées » lors de la création, en plusieurs étapes, des nombreuses fenêtres en arc délardé, les quatre façades sont fort différentes :
Dotée de peu d’ouvertures, la façade ouest, légèrement concave, a cependant belle allure avec sa porte d’entrée principale du XVIe siècle et son perron Louis XVI.
La façade sud montre un rez-de-chaussée réaménagé de manière remarquable en 1886, notamment par la création de deux belles devantures de magasins en calcaire de St- Triphon.
C’est par la façade nord, simple mais très éclairée, que l’on accède au caveau communal grâce à un escalier en granit.
La façade orientale a subi de nombreuses modifications : une belle fenêtre à meneau et tablette moulurée en constitue l’élément majeur, mais dans les années 1920-1930, suite à la démolition d’une annexe, on a créé quatre nouvelles fenêtres, dont les trois de la cage d’escalier, et élevé un couvert en pierre reconstituée.
La toiture
Toutes les souches et capes de cheminées sont modernes ou modernisées. La seule cheminée ancienne, du XVIIIe siècle, celle de la grande salle du premier étage, a été doublée de parpaings de ciment depuis le sol des combles, ce qui a pour effet visuel de grossir fortement sa section.
Les cinq petites lucarnes identiques datent du premier tiers du XXe siècle.
Sources : Michèle Grote, historienne des monuments / pour la Commune d’Aigle